A propos

L'auteur: Marc Lohez.

Je m'intéresse depuis le début des années 2000 aux élevages exotiques sur le territoire français (pour les Cafés géographiques et les Cahiers Espaces). Je souhaite montrer dans ce blog les liens entre les deux âges du caviar français: celui qui s'étend des années vingt aux années soixante et celui qui a débuté il y a vingt ans. L'aventure économique actuelle est également présentée en rapport avec les efforts de conservation ou plutôt de réintroduction de l'espèce locale, le sturio.

contact: monbeaucaviar@rphg.eu

vendredi 31 décembre 2010

Retour sur les fêtes 2010

Dans les dernières semaines ou parfois les derniers jours avant les fêtes de fin d'année, les journaux télévisés se risquent à de courts reportages sur les élevages d'esturgeon et la production du caviar français. Les trois exemples choisis ici montrent que même pour des élevages très différents, la structure de l'exposé ne varie guère. Sur BFM tv, c'est le très ancien moulin de la Cassadote près du bassin d'Arcachon qui est présenté, l'un des lieux d'origine du second âge du caviar français puisque les premiers oeufs y furent extraits en 1993. C'est un élevage qui sans être le plus intensif, s'effectue dans le cadre d'une série de bassins en dur. TF1 a choisi pour son journal du week-end un élevage plus récent, hors du centre géographique du caviar français que constitue l'estuaire de la Gironde. Dans cette pisciculture de Sologne, la logique est beaucoup plus extensive, s'effectuant dans de grands étangs et les images font penser à une véritable pêche avec un filet. Mais quelques jours plus tard, en semaine cette fois, le 20H de TF1 revient à la charge en mettant en scène des poids lourds: le leader de la production Française Sturgeon et la grande maison parisienne Pétrossian.

Pourtant, le rituel télévisuel est le même: les reportages ouvrent sur la "surprise" que constitue l'existence de la production du caviar en France, exposent le mode de production en insistant sur la préparation des œufs, même si l'on épargne pas au téléspectateur l'ouverture du ventre de l'esturgeon; on joue ensuite sur le contraste entre l'utilisation du caviar par les grands chefs et sa présentation d comme un met qui peut s'allier à des produit simples (purée, tartine beurrée). Enfin, l'évocation des prix rappelle le statut de produit de luxe de cet or noir. On n'insistera pas sur le fait qu'il s'agisse à chaque fois d'un reportage sur un seul élevage parmi les cinq maisons et les 16 lieux de production que compte l'hexagone.



bfmtv

jeudi 23 décembre 2010

Le second âge du caviar français.

Les plus pointilleux pourraient dire qu'il n'y a pas deux, mais trois âges du caviar en France en prenant en compte celui d'essais peu fructueux à la Belle Époque dans l'Estuaire de la Gironde; mais celui-ci constitue plutôt le prologue de deux époques d'exploitation massive de cet or noir: les années 20 à 60 et depuis les années 90. Deux oppositions majeures séparent ces deux périodes: le premier caviar est dû à la prédation de l'Esturgeon local (Acipenser Sturio), dans le cadre géographique strict de l'estuaire. Le caviar actuel est issu d'un lent et patient élevage de l'esturgeon sibérien Acipenser Baerii dans des lieux de production plutôt concentrés autour de l'estuaire, mais qui s'étendent en fait du Gers à la Sologne, sur quatre région françaises


Afficher Caviar France sur une carte plus grande

Ce second âge du caviar n'as pas le parfum épique d'une chasse au gros poisson qui frise parfois le folklore baleinier (1) ni l'ambiance culturelle de la France des années d'avant  et d'immédiate après-guerre. Il est pourtant le résultat d'aventures humaines fort intéressantes et d'un pari fou: sans tradition ni ancienneté de production, il a fallu mettre en chantier des élevages dont le premier grain de caviar ne pourrait sortir que sept ans plus tard. On ne sera donc pas surpris de croiser quelques fortes personnalités dans le tout petit monde des éleveurs d'esturgeons.

La jeune histoire de ce deuxième caviar français peut se résumer en trois étapes. La première commence dans la deuxième partie des années quatre-vingt. Près du bassin d'Arcachon et de l'embouchure de la Dordogne, les premiers élevages naissent de la coopération avec le Cemagref qui maîtrise la reproduction d'Acipenser Baerii depuis le début de la décennie. Ainsi le pôle de Saint-Seurin-sur l'Isle comprend il à la fois le centre de reproduction des esturgeons européens et une écloserie pour l'Acipenser Baerii. Mais cet élevage était fondé sur l'idée que l'on pourrait bien valoriser la chair de l'esturgeon que l'on espérait plus rémunératrice que celle des poissons traditionnellement élevés en bassin. La crise de la pêche et du poisson brisent le rêve de rentabilité de l'élevage par le poisson d'abord. L'effort sur le caviar devient incontournable pour apporter la valeur ajoutée indispensable.

A suivre....

(1) Une bonne évocation récente de cette période peut être consultée sur la version en ligne de Sud-Ouest qui vient de publier une courte série sur le sujet: Sur les traces de l'or noir et le fleuve stérilisé. Toujours en ligne, on peut écouter une émission de radio de 1966 avec des témoignage d'un pêcheur et d'un préparateur. (archives de l'INA)

mardi 14 décembre 2010

D'un esturgeon à l'autre

C'est le plus grand poisson d'eau douce d'Europe, et le plus fascinant. Comme le saumon, il est capable à la fois de vivre en mer et de remonter  les cours d'eau pour se reproduire. Mais il peut vivre cent ans, mesurer plusieurs mètres et peser quelques quintaux. Acipenser Sturio, notre esturgeon en France, ne passait donc pas inaperçu; il était malheureusement pour lui de prise relativement facile et son habitat a été considérablement modifié. Il a disparu du Rhône dans les années 70 et la survie de l'espèce en Aquitaine, reste très fragile; dès 1982, le sturio est classé espèce protégée . Pour le sauver, il est apparu très tôt qu'il faudrait maîtriser sa reproduction, une perspective délicate avec un poisson devenu fort rare. L' institut public de recherche en sciences et technologies pour l'environnement, Ie Cemagref s'est donc fait la main sur un esturgeon sibérien, un  peu plus abondant, mais lui même en situation délicate dans son milieu naturel. A la fin des années 1980, le Cemagref savait reproduire Acipenser Baerii, le cousin de Sibérie, et pouvait passer au sauvetage du Sturio. Les Baerii, leur technique d'élevage et de reproduction furent alors transmis à des aquaculteurs qui fondèrent au début des années 90 des élevages à l'origine du second âge du caviar français.

Depuis 20 ans, l'élevage du Baeri , en bassins fermés, se développe en parallèle aux efforts de réintroduction de nouveaux sturio dans le milieu naturel, l'aventure économique du caviar français est donc liée depuis tout ce temps à une aventure écologique dont la portée symbolique semble majeure.

A suivre...

Pour en savoir plus:

site du Cemagref:  sauver l'espturgeon européen.

site de la FAO: la fiche d'Acipenser Baerii 

Plus, long, mais fondamental, la synthèse de Patrick Williot (Cemagref):


Williot P.,L'élevage de l'esturgeon sibérien Acipenser baerii Brandt) en France, CAH AGRIC, 2009, 18, 189-94
(consultable en ligne sur le site du Cemagref).